Lac Wanam

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Au plus profond d’une mer d’éternelle verdure est serti un joyau, un lac. Si loin du monde extérieur et de la civilisation que l’homme blanc ne s’en est approché qu’à la fin du XIXème siècle. Il tire son nom de celui de la tribu qui vit dans la vallée où il est enfoui ; ces hommes sont les Wampars et le lac est appelé Wanam. La vallée et la rivière qui y coule ont gardé leur ancien nom de Markham. Elle s’étend dans la péninsule de Huon, en Papouasie-Nouvelle Guinée.

 


Au plus profond d’une mer d’éternelle verdure est serti un joyau, un lac. Si loin du monde extérieur et de la civilisation que l’homme blanc ne s’en est approché qu’à la fin du XIXème siècle. Il tire son nom de celui de la tribu qui vit dans la vallée où il est enfoui ; ces hommes sont les Wampars et le lac est appelé Wanam. La vallée et la rivière qui y coule ont gardé leur ancien nom de Markham. Elle s’étend dans la péninsule de Huon, en Papouasie-Nouvelle Guinée.

 

La carte indique la Nouvelle Guinée Allemande au début du siècle (au-dessus de la ligne
pointillée, le territoire au-dessous est la Nouvelle Guinée Britannique)
 

D’après les archives, ce n’est qu’en 1870 que les Européens se sont aventurés dans la vallée de Markham où vivent les Wampars et d’autres tribus, sur la rive droite du fleuve où se trouve également le lac Wanam. Une histoire Wampar est arrivée jusqu’à nous de cette époque :

Un homme nommé Rizib et son fils Zanaz vivaient dans l’un des villages des Wampits au bord de la rivière. Rizib était un garaweran, un notable, impopulaire et craint pour son arrogance et son caractère autoritaire.

Il poussait la fourberie jusqu’à user de cette réputation. A chaque fois qu’une famille ou un clan préparait une fête, Rizib lui faisait parvenir le message suivant : “ N’oubliez pas de me laisser un os à ronger ”. Evidemment, les destinataires, appréhendant la méchanceté de Rizib, lui offraient un grand quartier de viande et de nombreuses autres denrées, si bien que le garaweran ne manquait jamais de nourriture. Il vivait ainsi dans l’opulence depuis fort longtemps. Mais cela commençait à agacer les gens et ils songeaient à se rebiffer. Certains se réunirent en grand secret pour imaginer une façon de se débarrasser de l’envahissant Rizib et de son hoir. Ils convinrent de l’attaquer par son point faible : la gloutonnerie. Ils organisèrent donc une grande fête, abattant force porcs et cuisinant d’immenses quantités de légumes. Une invitation fut adressée à Rizib et Zanaz. Les organisateurs avaient creusé une trappe profonde, tapissée de bambous acérés. Ils la recouvrirent de branchages et de terre et étendirent par-dessus un tapis d’écorce censé honorer leur invité. Rizib et son fils arrivèrent, vêtus de leurs habits d’apparat.

Des combattants indigènes, d’aujourd’hui, avec un arc et des flèches

Ils traversèrent le village d’un air hautain et, comme toujours, la lance à la main. Leurs hôtes se précipitèrent pour les accueillir et les invitèrent à s’installer à la place d’honneur, sur le tapis, ce que firent le père et son fils qui ne soupçonnaient rien. Comme ils s’asseyaient, les fragiles branchages cassèrent et tous deux tombèrent sur les pointes de bambous. Rizib fut gravement blessé, mais Zanaz réussit à sortir du trou et tenta de s’échapper. Cette éventualité avait été envisagée et il fut tué, tout comme son père. D’après les Wampars, cette péripétie fut à l’origine d’une guerre et de bien des troubles. La mort de Rizib et de Zanaz fut vengée par les membres de leur clan et le conflit poussa les Wampits à abandonner leurs villages des plaines. Certains traversèrent la rivière pour s’établir sur l’autre rive dont ils refoulèrent les tribus qui vivaient là depuis des temps immémoriaux…
Une seconde histoire, de la même époque, commence ainsi : Comme à l’accoutumée, les enfants jouaient au village tandis que leurs parents travaillaient aux champs, lorsque quelques-uns trouvèrent une mante religieuse et la martyrisèrent. Or, il se trouve que la mante était le totem d’un autre clan. Lorsque les enfants de ce clan s’aperçurent du sort qui avait été réservé au malheureux animal, ils furent très fâchés. Mais les premiers refusèrent d’abandonner leur victime et continuèrent à la torturer jusqu’à la mort. Une bagarre s’ensuivit et, lorsque les parents revinrent au village et apprirent ce qui s’était passé, la querelle tourna à la bataille rangée. L’incident entraîna tensions et antipathies au sein de cette phratrie qui vivait autrefois en bonne intelligence.
Une troisième histoire qui, elle aussi, se termina en guerre tribale, raconte comment un événement plutôt insignifiant, mais non sans rapport avec le respect de la tradition, dégénéra en une explosion de violence. Quelques femmes avaient barré un ruisseau dans le but de s’assurer une bonne pêche. Elles avaient toutefois omis de demander la permission à l’autorité coutumière – une faute grave. Il s’ensuivit des dissensions et des combats parmi les tribus d’un grand groupe qui, à cette époque, parlait une langue commune.
Ces trois histoires relatent des événements qui sont considérés comme précurseurs d’un conflit généralisé et d’une discorde qui règnent encore aujourd’hui. Il n’y a pas très longtemps, au cours d’une expédition dans les montagnes de Papouasie, mon caméraman et moi-même fûmes bien involontairement impliqués dans une guerre locale. Deux tribus en vinrent aux mains près d’un ruisseau que j’étais occupé à explorer. Des hommes avaient tué (probablement accidentellement) un garçon d’une autre tribu. Malheureusement, il était le fils du chef et le fâcheux épisode avait dégénéré en guerre. Le protocole est immuable : les hostilités doivent se poursuivre pendant 52 lunes, 6 jours par semaine, de 6 heures du matin à 6 heures du soir, dans un combat loyal d’homme à homme. Les femmes et les enfants ne doivent pas y prendre part, ils s’occupent de l’intendance sur le champs de bataille. Le parti qui a subi les plus lourdes pertes à l’issue des 52 lunes est déclaré vaincu et doit se soumettre sans conditions aux exigences du vainqueur (si toutes les guerres étaient ainsi codifiées, elles seraient sans doute moins meurtrières).
Une flèche siffla à mon oreille avant de se ficher entre les pieds de Wolfgang (de toute la région, nous étions les seules personnes dépourvues de bouclier). Notre intérêt pour la faune et la flore s’effrita en un instant et nous battîmes précipitamment en retraite.
Pour en revenir à la vallée du Markham et au lac Wanam, l’exploration de la région fut entreprise par les Allemands en 1886. Ils avaient annexé la partie nord de la Papouasie, par la suite baptisée Kaiser-Wilhelms-Land, et avaient donné aux villages des noms exotiques comme Friedrich-Wilhelmshafen (aujourd’hui Madang), Konstantinhafen, Stephanshafen et Finschhafen.
Le gouverneur, Georg Freiherr von Schleinitz, organisa la première expédition sur le Markham mais il dut renoncer, après quelques kilomètres seulement : les hauts-fonds et les rapides rendaient la progression impossible. En 1903, une autre expédition fut repoussée par les Wampars. Quant à celle de 1905, partie de Friedrich-Wilhelmshafen, elle fut encore plus malchanceuse : ses morts constituèrent le plat principal d’une grande fête indigène !
Un missionnaire allemand, Georg Bamler, embarqua seul le 9 février 1906. Chemin faisant, il rencontra Wilhelm Dammköhler, aventurier, prospecteur et fermier, qui lui dit que les quelque 400 Laewombas (Wampars) qui vivaient 40 km en amont, n’étaient pas belliqueux. Bamler fut néanmoins attaqué dans un village de la rive droite mais, après qu’il eut tiré sur quelques-uns de ses assaillants, les hostilités cessèrent et il put rester en paix dans ce même village.
Dammköhler revint dans la vallée du Markham en 1907 avec une équipe scientifique et fut le témoin de deux combats tribaux au cours desquels les Laewombas tuèrent 68 puis 30 ennemis. Son expédition ne fut pas inquiétée.
En décembre 1907, après la fin de sa mission, Dammköhler décida de s’aventurer plus en amont en compagnie du géologue Otto Fröhlich. Aidés de 15 porteurs (dont un homme de Tikandu qui était le père de l’épouse de l’actuel ministre des Affaires Etrangères de Papouasie, Albert Maori Kiki), ils s’avancèrent dans les bambouseraies, évitant les hameaux indigènes.
Le 4ème jour, ils atteignirent un village aujourd’hui baptisé Erap ; le lendemain, c’était Noël, ils parcoururent une plaine couverte d’herbes appelées kunai, et le 6ème jour ils arrivèrent à l’endroit où, sur la rive du ruisseau Zafir, la vallée s’ouvre vers le nord. Puis ils traversèrent la rivière Leron et rejoignirent le village de Sangang entouré d’immenses bananeraies. Des guerriers indigènes, armés jusqu’aux dents, encerclèrent le groupe mais Dammköhler leur fit comprendre qu’ils venaient en amis. Ces hommes grands, entièrement nus, étaient assez différents des peuples de la côte. Leurs cheveux tombaient jusqu’à leurs épaules et étaient parfois teints en noir ou rouge. Ils portaient des lances et des casse-tête de bois ainsi que de gigantesques boucliers (semblables à ceux des guerriers qui m’avaient attaqué, voir les illustrations). La seule femme qui les accompagnait portait une jupe rayée de jaune, de rouge et de brun. Elle pressa les guerriers d’attaquer ces intrus. Les hommes s’approchèrent et la situation devint critique. Dammköhler tira quelques coups de semonce qui suffirent à maintenir les indigènes à distance et il put continuer son chemin. Peu après, son groupe fut pris à partie par  la tribu Ngarowapum, mais il réussit à prendre la fuite en traversant la rivière Umi.
L’expédition parcourut la face nord des montagnes Krätke, traversant de grandes cocoteraies et des villages. On ne lui manifesta aucune inimitié et ses membres furent même chaleureusement accueillis après qu’ils eurent distribué quelques cadeaux.
Les hommes étaient nus, généralement robustes et dépassant parfois 1,80 m. Eux aussi portaient des cheveux mi-longs, ils étaient soigneusement rasés. Le cou de quelques-uns était orné d’un collier de graines de banane ou de coquillages. Ils furent fascinés lorsque Dammköhler leur montra comment l’homme blanc allumait un feu et ils n’avaient aucune idée de l’usage que l’on peut faire d’un couteau.
Ils vivaient encore à l’âge de pierre, possédaient des lances et des haches de pierre réalisées avec art, des pipes finement sculptées et des massues en bois. Leurs huttes, rondes, étaient semblables à celles des autres tribus mais plutôt plus hautes et plus vastes. Des cacatoès apprivoisés se pavanaient dans leurs plantations bien entretenues, mais ils n’élevaient pas de cochons.
Quelque temps après, Dammköhler et ses hommes rejoignirent le point culminant de la vallée (400 m au-dessus du niveau de la mer) puis, de là, gagnèrent la vallée du Ramu, confirmant l’hypothèse que les vallées du Markham et du Ramu n’étaient séparées que par un large plateau ininterrompu. La carte, extrêmement précise, qui fut tracée par cette expédition indique, pour la première fois, l’existence de cette vallée magnifique et du lac Wanam. Elle apporta une contribution inestimable à la connaissance de cette région.

 

Ci-dessou la position de Lac Wanam (point noire)

 

Durant son périple, qui dura 39 jours, Dammköhler, qui était un prospecteur avisé, découvrit plusieurs endroits où il pensait pouvoir trouver de l’or. Il organisa, par la suite, deux expéditions à la recherche du précieux métal. Il s’était entre temps rendu tout exprès en Australie pour y acheter 9 chevaux. Le 29 juillet 1909, lors de sa dernière expédition, il s’engagea à nouveau dans la vallée du Markham. Il était accompagné de son ami Rudolf Oldörp et de trois hommes de la tribu Lahe (à qui l’actuelle capitale provinciale Lae doit son nom) et de 4 chevaux (les autres ayant péri dans la précédente expédition). Ce fut un voyage terrible dont il ne devait pas revenir. Ses porteurs l’abandonnèrent rapidement, puis il fut attaqué par des indigènes inconnus. 11 flèches l’atteignirent et il mourut de ses blessures. Oldörp ne fut touché que par 6 flèches, il survécut et réussit à s’enfuir en descendant la rivière sur un radeau construit de ses mains. Malgré cette terrible épreuve, la fièvre de l’or ne l’abandonna pas. Sans dire à quiconque son exacte destination, il monta, la même année, une expédition au départ de Friedrich-Wilhelmshafen, mais le navire sur lequel il contournait la péninsule de Huon fut perdu corps et biens au cours d’une tempête.
En 1910, le médecin et ethnologue allemand Richard Neuhaus et les missionnaires Lehner, Mailänder et Keysser eurent plus de chance. En avril et juin, ils “ convertirent ” les Laewombas et rétablirent entre les tribus une paix qui était censée mettre fin aux combats sanglants qui duraient depuis 1870 et, avec eux, au besoin de fuir sans cesse devant l’ennemi et à la nécessité d’être des exilés permanents. Mais j’ai quelque bonne raison de penser qu’ils n’y sont pas vraiment parvenus !
Les documents historiques indiquent que c’est bien en 1910 que les religieux établirent la première mission dans la vallée du Markham, dont la population était à cette époque évaluée à 10 000 âmes. Mais, pour ce qui est des conversions, ils se heurtèrent à un mur.

 

De Nymphaea lotus dans le Lac Wanam

 

Les jardins féconds de Laewombas fournissaient des aliments à profusion sans qu’il fût besoin d’y consacrer beaucoup d’énergie. Ces gens passaient leur vie à chasser, se battre, festoyer et danser et respectaient scrupuleusement les traditions et croyances héritées de leurs ancêtres. Rares étaient ceux qui périssaient de mort naturelle, la plupart étaient occis par un ennemi. Leur préoccupation majeure était (est encore) de venger leurs défunts par la violence ou la magie afin d’apaiser leurs esprits.

Les proches étaient tenus de porter un chapeau d’écorce noir jusqu’à ce que le sorcier, ou un autre ennemi, ait été tué au combat et sa tête rapportée au village, gage d’une vengeance pleinement accomplie. La chasse aux têtes était donc chose commune (moins aujourd’hui), notamment dans la haute vallée du Markham et dans la région d’Azera.

Un mois après le début de la Première Guerre Mondiale, le 17 août 1914, le Dr Haber, gouverneur du Kaiser-Wilhelms-Land, signa la capitulation, permettant ainsi aux résidents allemands et à ceux qui avaient prêté serment de neutralité de rester et de poursuivre leurs activités sans entrave. Les missions se développèrent et, lorsqu’en 1921 le pouvoir militaire céda la place à un gouvernement civil, l’ancienne Nouvelle Guinée devint un territoire sous mandat de la Société des Nations, administré par l’Australie. En mars de cette année là, le Père Örtel donna le premier baptême et, dès 1922, la foi chrétienne était largement répandue dans la vallée du Markham.

L’opinion de Dammköhler et Oldörp, émise en 1908, s’avéra exacte : la vallée était très fertile. On planta d’abord du coton sur de grandes superficies (mais cette culture échoua à cause de la trop grande humidité régnant dans la région), puis des arachides.

Lorsque éclata la Seconde Guerre Mondiale, une route de 25 km avait été construite qui s’enfonçait dans la vallée. Aujourd’hui, d’excellentes voies empierrées permettent de se rendre dans la montagne et, sur une partie du chemin, jusqu’à Bulolo et la région où, à la suite des découvertes de Dammköhler, commença la ruée vers l’or. Elle se poursuit toujours et, vue d’avion, cette contrée semble avoir été bouleversée par une armée de taupes. La nature a été complètement dévastée, sans remords, sans même qu’on y ait songé. L’activité, relativement inoffensive, des premiers prospecteurs blancs a été remplacée par une exploitation intensive et totalement destructrice.

Pourtant, par quelque miracle, le lac Wanam est resté intact. C’est du moins ce que l’on pouvait croire car une calamité d’une toute autre nature s’est abattue sur ce paradis. Du fait de l’homme, bien sûr !

Malgré la présence de voies carrossables proches, le lac Wanam, enfoncé dans la vallée du Markham, est toujours pratiquement inaccessible. Si l’on emprunte la route qui mène de Lae au nouvel aéroport, à 40 km de la ville, on ne peut manquer la bifurcation vers Bulolo.

 

Tilapias introduite dans le Lac Wanam

 

A une vingtaine de kilomètres de ce croisement, non loin de la route, au milieu d’un terrain verdoyant et vierge entouré de collines, se trouve un grand élevage de poulets. Peu avant, il y a un mauvais chemin, tellement envahi par la végétation qu’il semble n’avoir jamais été utilisé. Cette piste, bordée d’herbes hautes d’un mètre et d’arbustes rabougris, s’arrête brusquement au milieu de nulle part. Pourtant, un examen attentif permet de se rendre compte qu’avec un véhicule tout-terrain et pourvu qu’il n’ait pas plu récemment, on peut continuer sa progression. Il y a, environ 8 km plus loin, une roselière avec, au bout, des arbres les pieds dans l’eau et, à l’arrière plan, des collines habillées de vert. Lorsque le soleil illumine ce paysage, il semble irréel, on croirait un décor hollywoodien ou une carte postale très kitsch des années 50.
Avec un peu de chance, il pourrait bien y avoir là une pirogue ou bien l’un ou l’autre des gens qui habitent les rives de ce lac féerique. En fait de population, il n’y a, en tout et pour tout, que les 7 membres d’une même famille. Personne d’autre !.
Il faut pagayer sur 1 km environ entre les massifs de Nymphaea lotus aux magnifiques fleurs roses et les arbres qui plongent leurs racines dans l’eau pour que le lac s’offre dans toute sa splendeur. Protégé par les vertes collines, il est là, tranquille et calme, dans la vallée, comme vierge de toute atteinte humaine. Ce n’est hélas qu’une illusion. Sous la surface, des milliers de tilapias s’ébattent dans une eau turbide, il est pratiquement impossible d’apercevoir un autre poisson ; ce que l’on imaginait éden n’est que chaos.

 

Packing of the collected Glossolepis wanamensis

 

On ne sait pas exactement qui a introduit ces cichlidés africains ici. Les tilapias sont répandus dans toute la Nouvelle Guinée, ils sont présents dans pratiquement chaque lac et chaque système fluvial, mais leur introduction dans ce lac isolé et, pour ainsi dire inhabité, reste une véritable énigme.

En 1977, le Dr Gerald R. Allen découvrit un splendide poisson arc-en-ciel endémique du lac Wanam. En 1978, il a été décrit par le découvreur et Mme Kailola sous Glossolepis wanamensis. Gerald Allen se souvient qu’il n’y avait pas de tilapias dans le lac à cette époque, ils ont donc été introduits à une date ultérieure.

Ce n’est que bien des années plus tard que je devais me rendre pour la première fois au lac Wanam. Mes activités ne se restreignent pas à l’ichtyologie et l’ethnologie et je viens chaque année en Nouvelle Guinée depuis 1974. J’y collecte des poissons locaux afin de les rapporter en Europe pour y établir des populations captives. C’est précisément ce que j’avais envisagé pour le poisson arc-en-ciel du Wanam, qui n’avait jamais été importé vivant en Europe. Cette pratique offre in fine aux gens du monde entier le bonheur de maintenir ces magnifiques animaux et d’apprendre beaucoup à leur contact. Par ailleurs, un aquarium a un effet apaisant sur les habitants des cités modernes. L’élevage en captivité permet surtout de conserver des espèces qui s’éteignent dans leur milieu naturel – c’est le cas du poisson arc-en-ciel du lac Wanam – dans l’espoir de les réintroduire, peut-être un jour, dans la nature. Qu’on ne s’y trompe pas, les populations sauvages de toutes sortes d’animaux sont menacées d’extinction. Ceci est vrai pour les poissons tropicaux plus que pour tout autre groupe de vertébrés. L’homme refuse d’infléchir sa course folle ; les atteintes à la

nature continuent sans relâche et ni la Convention de Washington, ni aucune mesure de conservation

prise en Europe ou en Amérique n’y change rien.

J’ai, pour la première fois, réussi à atteindre le lac en 1992. Je remarquais déjà l’impact des tilapias sur la faune et la flore indigènes mais, à l’époque, le problème n’avait pas encore atteint des proportions catastrophiques. Je n’ai hélas pu rapporter qu’un poisson arc-en-ciel de cette première exploration. En 1994, date du voyage suivant, Oreochromis mossambicus avait éclipsé la faune indigène ; elle avait déjà pratiquement disparu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  


 

Gauche: Glossolepis wanamensis, spécimen sauvage. Droite: Glossolepis wanamensis spécimen d’élevage F1


Une exploration minutieuse du lac, presque circulaire, dont la superficie ne dépasse pas 3 à 5 km2, ne m’a permis d’apercevoir que quelques spécimens adultes. Cela m’a incité à revenir dès l’année suivante, en compagnie de mon amie Paola Pierrucci (photo de droite). Cette fois, il était clair que les poissons arc-en-ciel avaient été complètement supplantés par les tilapias. Il y en avait des millions et seulement 7 personnes pour les pêcher. Combien en faut-il pour nourrir un homme, une femme et leurs cinq enfants (en bas, à droite) ? ! Les cichlidés occupent la moindre parcelle d’eau tant le développement de leur population a été explosif. Malgré une recherche épuisante, nous n’avons vu qu’un groupe de poissons arc-en-ciel :

7 mâles adultes de 2 à 3 ans (le dernier d’entre eux est représenté en incrustation page de gauche) et une seule femelle plus âgée (page de gauche). Pas de juvéniles, pas d’œufs. L’eau était boueuse de la surface au fond, occupée par des tilapias aussi loin que l’œil pouvait voir.

Comme pour toutes les espèces, la survie est la raison d’être des tilapias et pour survivre, ils mangent tout ce qui se trouve à leur portée. Le lac est peu productif et, hormis un gobie robuste et vigoureux, Oxyeleotris fimbriatus, l’ichtyofaune locale a complètement disparu. Bientôt, la diminution des ressources entraînera une réduction de la population des tilapias eux-mêmes. Tout cela est le résultat de l’inconséquence humaine.

L’homme est certainement l’espèce la plus ignorante et la plus irréfléchie de toute l’histoire de l’évolution. Il est pratiquement impossible d’estimer le nombre d’espèces qui disparaissent chaque jour du fait de ses actions inconsidérées et des destructions qu’il inflige au fondement même de l’existence de toute vie : notre Mère Nature.

Je ne doute guère que Homo sapiens finisse par détruire complètement son environnement et signe ainsi sa propre perte…

Texte et photos : H. Bleher

Dessins et photos aciennes :  archives ag

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